Comment l’opendata et les copyrights trolls ont tué sortirlocal.fr
Voici un petit retour d’expérience sur ce qui m’est arrivé en fin d’année dernière, et qui a conduit a l’arrêt du site sortirlocal.fr sur lequel je bossais depuis maintenant quelques années.
Principe des « Copyright troll »
En septembre 2024, j’ai été contacté par une société de « Copyright Troll » (que je ne nommerai pas, car je ne veux pas remettre « une pièce dans la machine », comme on dit chez nous). Le principe de ce genre de société : vous êtes mandatés par des boîtes qui produisent des images, ils vous donnent leurs images, vous scannez internet avec des robots adaptés et dès que vous avez trouvé une proie qui utilise l’image, vous envoyez un petit mail sympathique du type « mail officiel », avec les logos, le formalisme qui va bien, la capture d’écran de « preuve », les articles de loi, et un petit lien pour régler la facture de 750€ (dans mon cas) pour éviter qu’un cabinet d’avocats ne lance une procédure contre vous. Bien entendu, il y a les petites phrases qui vous expliquent que vous êtes en tort, que retirer l’image ne changera rien, etc. Flippant !
Droit d’auteur
À les entendre, une image aurait été affichée sur mon site sans droit, ce qui ferait de moi un contrevenant. Sauf que… pas du tout !
De base, pour être protégée par le droit d’auteur, une image doit répondre à plusieurs critères, notamment celui de l’originalité, dans le sens où elle doit refléter la personnalité de son auteur et être un minimum « créative », et non pas juste une photo lambda. L’image qu’ils évoquent correspondrait à une photo « banale », prise par tous les journalistes présents sur place à ce moment-là. Pas d’originalité = pas de droit d’auteur.
Au-delà de ça, pour ceux qui seraient accusés de la même manière, toute allégation doit être accompagnée d’une preuve formelle (constat d’huissier par exemple), et un screenshot ne suffit pas.
D’autres critères entrent également en jeu, je vous laisse demander à notre IA nationale pour plus de détails :). (Je n’ai aucun lien avec Mistral, j’ai juste envie d’encourager le principe des IA Françaises^^.)
Résolution (Et astuces pour ceux dans le même cas)
Dans mon cas, c’était la première fois que je devais gérer ce genre de situation avec des avocats, et même si de nombreux sites parlent de ces « trolls vampires », ça restait un moment compliqué à vivre !
J’ai finalement décidé de faire appel à un avocat, qui m’a proposé de gérer la réponse. Cela m’a couté 480€ (Pour un site que je mettais a disposition gratuitement et sans pub, ce n’est clairement pas génial !), et il s’est occupé de faire une réponse argumentée et complète, et depuis : plus de nouvelles de nos trolls. Avec le recul, j’aurais certainement pu rédiger moi même le document, mais la tranquillité d’esprit a souvent un prix, et dans ce cas précis j’ai préféré le payer :).
Si vous êtes confrontés à ce type de problèmes, il y a énormément de littérature sur internet , il y a même des cabinets d’avocats qui proposent des templates de réponse a envoyer, etc. Essayez de rester « zen », et évaluez vos options, le principe de ces boites c’est de ratisser très très large, et d’espérer qu’un ou deux poissons ne mordent à l’hameçon.
Le rôle de l’opendata dans ce contexte
Je suis un grand défenseur et un grand fan du principe de l’opendata, mais dans ce cas précis c’est précisément ce qui m’a exposé à ces problèmes.
Le principe du site sortirlocal était simple : je récupérais des sorties exposées en opendata, publiées par des mairies ou des organismes officiels (J’avais restreint les sources pour éviter les problèmes). Je faisais pas mal de calculs dessus (Itinéraires, compression d’images, etc), et ensuite je les mettais a disposition sur le site pour que les familles comme la mienne puissent trouver facilement des sorties à faire près de chez elles.
Le « hic », c’est que les données en open data publiées par certaines mairies ou musées peuvent parfois inclure des images dont le statut juridique n’est pas clair en matière de droit d’auteur. Suite à cette mésaventure, j’ai examiné plus attentivement les images disponibles et j’ai constaté que certaines pouvaient poser question (personnages de dessins animés, créations artistiques, etc.). C’est un vrai problème pour ceux qui les utilisent de toute bonne foi, d’autant que je n’ai pas trouvé d’outil qui permettrait de valider les photos en amont.
Alors certes, il est sûrement possible d’embarquer dans un procès les gens qui sont à la source, mais non seulement je n’ai aucune certitude sur le fait que cela suffirait pour « rejeter » la balle au « pêcheur originel », mais surtout j’avoue n’avoir aucune envie de faire ça à des gens qui œuvrent dans la bonne direction !
Retour d’expérience de sortirlocal
Pour le négatif :
- Financièrement, ça a été assez coûteux. Entre les frais d’avocat et de location de serveur ce n’est pas négligeable, d’autant que j’utilisais un serveur « boosté » car certaines mécaniques étaient très gourmandes en CPU (Calcul d’itinéraires, base orientée graphe, etc).
- En termes de stress, ce mois de septembre a été plutôt bien chargé grâce a nos amis trolls, mais sinon c’était plutôt cool.
Pour le positif :
- Tout le reste ! ! !
- Montée en compétence de fou sur plein de sujets, de la programmation à l’infra, en passant par des BDD exotiques (DGraph), Kafka, et plein d’outils variés (OSM/OSRM pour le calcul d’itinéraires, l’écosystème GCP, let’s encrypt, docker-compose etc…)
- Ça m’a permis d’être pris chez Leroy Merlin en tant que prestataire… 2 fois !
- J’ai pu répondre au besoin des visiteurs du site pendant ces quelques années et ça c’est plaisant !
Au final , je ne le regrette absolument pas, il est juste temps de lancer « autre chose » ! Je garde en tête le sujet de RapidAPI, mais je n’ai pas encore trouvé « le truc ». Le souci de l’informatique, c’est qu’il y a déjà beaucoup de choses qui existent^^ En attendant je réfléchis à lancer un site sur l’apiculture (l’un de mes hobbies) , avec peut être une tentative de faire de l’affiliation. On verra bien !
Sortirlocal s’arrête, mais l’envie de créer et d’être utile, elle, est toujours là !
Note : Je ne suis pas juriste et ce retour d’expérience n’a aucune valeur de conseil juridique. Chaque situation étant différente, si vous êtes confronté(e) à un problème similaire, je vous encourage à consulter un professionnel du droit pour évaluer votre cas spécifique.
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